Aujourd'hui les citoyens se rassemblent à l'Ecclesia.
Clisthène le Jeune s'y dirigea d'un pas lent et nonchalent. Il est accompagné d'une petite poignée d'amis et de compagnons qui ont décidés de suivre ses préceptes: frugalité, modestie, honneur, piété et vertu. Mais à peine une dizaine de mètres parcourus que Clisthène se coupe au niveau du pied. Une petite coupure, rien de bien grave, mais la blessure saignait abondamment.
S'accoudant à l'un de ses camarades, Clisthène inspecte son pied blessé. Il regarde intensemment cette coupure. Puis, bizarrement, de sa main droite, il presse avec force et vigueur la blessure, ce qui provoque un long filet de sang s'écoulant le long de la rue. D'un rouge vif, qui brille au soleil.
Clisthène relève la tête, regarde au loin. Il regarde ses compagnons qui s'interrogent de la tête, l'un d'eux osant demander à Clisthène:
"Ne devrais tu pas soigner cette blessure avant de te rendre à l'Ecclesia ? Pense à Achille..."
Clisthène répondit après quelques secondes, un sourire amical aux lèvres:
"N'ait crainte, Epirion... Finallement, je pense que l'Ecclesia nous attendra pour aujourd'hui !"
Clisthène lâche l'épaule de son compagnon qui le retenait en équilibre et va s'asseoir sur une pierre non loin de là.
Très rapidement, ses compagnons le rejoignent, formant un petit cercle d'intimes autour de lui. Ils commencent à avoir l'habitude des discours de Clisthène. C'est avec rapidité que le silence se fait. Clisthène s'exprime ainsi:
"Aujourd'hui est une belle journée: la chaleur rechauffe le sol et cette fine brise qui nous vient de la mer soulage nos esprits embrumés.
Et pourtant...
Fixe son pied d'où le sang coule toujours, par petite quantité.
Regardez ce pied. Regardez le d'où coule mon sang, d'où s'echappe ma vie. Le sang est primordial dans la vie d'un home.
Souvenez vous de votre ephébie lorsqu'on vous a appris a vous servir d'une lance et d'un bouclier, avez-vous appris à respirer cette odeur de sang et de mort qui plane après chaque bataille ?
Je me rapelle ce qu'était Athènes au lendemain de l'insurrection des prétendus démocrates... La royauté était tombée et une nouvelle ère prenait place dans la cité d'Athéna.
Tout ce sang, toute cette boue, toute cette haine... A quoi bon ? Tous ces hommes privés de leur sang, qui mourraient par centaine dans les deux camps, cela nous a-t-il avancé à quelque chose ?
On vous dira oui, tout comme on nous explique que la guerre contre Marathon était justifié ! Qu'elle fut couronnée de victoires et que nos vaillants généraux ont tant bien que mal limité le nombre de morts grecs !
Ahhh combien d'entre eux sont aujourd'hui coincés sur les rives du Styx ? Après tout, aux politiques et aux démagogues de s'arranger avec ces soldats morts... Nous verrons bien qui se jetter dans la Tartare !
Fixe à nouveau son pied et d'un geste magistral, d'une voix théâtrale, Clisthène déclare en montrant son pied ensenglanté:
Voici Athènes mes amis ! Voici la cité qui perd minute après minute, jour après jour sa vie, sa vigueur, même son honneur ! Athènes aussi perd son sang et bien peu s'en rendent compte aujourd'hui !
Malheur ! Misère !
Regardez cette blessure ! Ce sont tous les citoyens assassinés dans les ruelles sombres, tous nos soldats morts pour une guerre qui nétait pas la leur, tous nos temples qui se vident jour après jour, tous les pauvres gens qui vivent dans la misère alors que les riches organisent banquets et jeux !
Si personne ne réagit, Athènes va continuer à perdre son sang, comme je suis entrain de perdre le mien.
Un des compagnons de Clisthène alors, qu'apparament la vue du sang gêne énormément, lui tend un bout de tissu pour le faire presser contre la grosse entaille. Clisthène refuse poliment et continue son discours:
Par contre si les citoyens de la cité réagissent tous, ensemble, en même temps, avant qu'il ne soit trop tard, alors nous pourrons juguler tout ce sang perdu et nous pourrons cicatriser la vilaine coupure qui cause tant de mal, tant de maux à Athènes !
Regarde fixement chacun de ses amis et dit:
Serez-vous, serons nous de ceux qui laisseront faire sans réagir ou plutôt de ceux qui prendront les mesures necessaires pour faire retrouver à Athènes son honneur d'antan ?
Car pas de prospérité sans honneur ni respect ! Or comment pourrions nous être respecté nous qui tuons nos frères de Grèce, nous qui, nonobstant nos Temples, osons encore prétendre à envoyer nos athlètes à Olympie pour les Jeux de la Grèce ? Les Jeux Olympiques ne sont-ils pas les Jeux des Dieux ? Comment arriver à unifier la Grèce autour d'Athènes contre la Perse si au sein même d'Athènes les hétairies s'entre déchirent et divisent notre force ?
L'époque dans laquelle nous vivons est bien sombre mes amis ! Ce n'est plus celle de nos parents qui ont su faire triompher la Justice et le Bien.
Se relève, ne fait même pas attention quand son pied ombre lourdement dans la petite flaque de sang qui s'est formée au fur et à mesure du discours. Ses compagnons se lèvent à leur tour, réajustent leur tissu qui leur sert de vêtement:
Je vous le dit mes amis ! Le renouveau de la cité est en marche et je vous invite à y jouer un grand rôle ! Car il dépend désormais de nous de faire bouger les choses !
Que l'Histoire se souvienne de nous comme des hommes intègres, justes et dévoués à une cause qui dépassent tous les mortels de ce bas monde !
A présent, dirigeons nous vers l'Ecclesia, peut-être n'arriverons nous pas en retard ! Nous pourrions mécontentés nos magistrats...
Tape sur l'épaule d'Epirion, rire dans le groupe, tous se dirigent vers l'Ecclesia.