Conférence

Puis, voyant la foule massée sur les bancs de l'héliée, il toussote pour s'éclaircir la voix et débute.

Citoyens, tout d’abord je veux vous remercier d’être venu m’écouter.
Le droit n’est sans doute pas le sujet le plus simple et le plus amusant qui existe. Pourtant il nous touche tous et régit notre vie qu’on le veuille ou non. Pour certains d’entre nous, les articles des différentes lois sont autant de mystères que les paroles prononcées par la Pythie de Delphes. Et bien citoyens, rassurez vous, je suis là pour éclairer les zones d’ombre qui existent tout comme apollon éclaire nos jours de es rayons bienfaiteurs.
Mais, n’ayez aucune crainte * petit sourire en coin*, vous qui êtes capable de suivre attentivement le bilan économique annuel de la ville sans vous endormir, vous n’aurez aucun mal à suivre cet exposé. Pour les autres *il prend une mine désolée*, il est encore temps de partir !!!
*reprenant un air sérieux*
Mais trêve de plaisanterie, qu’allons nous aujourd’hui aborder comme thèmes ?
Pour cette première conférence, je crois qu’il est de bon ton d’aborder les sources du droit, le rôle du juge, ainsi que l’interprétation des instruments légaux.

Tout d’abord les sources du droit.
Bien entendu, il vous vient directement un mot à l’esprit : la loi. Effectivement, c’est la source première, la base du droit et de son corollaire la justice, le pilier central sur lequel le juge peut reposer son jugement. Mais contrairement à de nombreuses idées reçues, ce n’est pas la seule. Il faut ajouter à elle la jurisprudence et la doctrine.

Penchons nous d’abord sur les lois.

Les lois sont des instruments légaux émanés du législateur et acceptés par le peuple à la majorité simple des voies. La loi n’est pas comme d’aucun le prétendent un texte sacré, immuable, non ! La loi n’est qu’une solution apportée par une ou plusieurs personnes à une situation donnée dans une période donnée. Par conséquent, une loi dont l’effectivité n’est pas à remettre en cause en l’an 23 peut très bien être dépassée par l’écoulement du temps et ses répercutions sur la situation politico-socio-économique de la cité. Dès lors, elle peut très bien être adaptée par le nouveau législateur ou, comme nous le verrons plus tard, par la jurisprudence.
Maintenant que le caractère sacré de la loi est ôté de vos esprits, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !!! La loi est impérative, elle s’impose à tous et sa méconnaissance entraîne des sanctions judiciaires. Mais la loi est humaine, ce n’est pas uniquement un texte froid déconnecté de la réalité. C’est là qu’intervient la jurisprudence.

Qu’est ce que la jurisprudence ?

Par définition, c’est l’ensemble des décisions prises par les instances judiciaires de la ville. Nous allons prendre le mot au sens large et incorporer le sens de pratiques jurisprudentielles. Effectivement, il y a les faits, la loi et les juges. Les juges sont des êtres humains qui doivent adopter des décisions sur base de lois mais, ils doivent le faire à partir de faits et de manière juste. Tâche au combien ardue lorsque l’on connaît l’incompréhension de certain de mes collègues….Alcibiade si tu es dans la salle…. *petit sourire avec une pointe de cynisme*.
Oui, ce colloque a pour but de démontrer que le droit n’est pas qu’une entité abstraite, qu’il comporte une bonne part d’humanisme. Mais cet humanisme a peu de chance de poindre lorsqu’on se cantonne trop strictement au cadre législatif.
Je prends par exemple ma loi sur la procédure judiciaire. C’est une moi, passez moi ma fierté, admirable. Oui admirable pour les cas complexes, graves, épineux.
Parfois, comme ce fut le cas récemment dans l’affaire Ephialtès, le juge est confronté à une situation limpide, qui ne laisse place à aucun doute possible. Par tous les dieux, laissons place au bon sens !!! Trop de rigorisme conduit à une complexification inutile du droit et à une déconnexion des institutions judiciaire des faits. La conséquence inévitable est une non compréhension du droit par les citoyens et à terme l’instauration d’une justice privée. Or je le rappelle, nul ne peut se faire justice à soi-même.
C’est pourquoi, j’essaie d’insuffler aux héliastes cette envie, cet objectif de simplifier au maximum le droit tout en restant juste, équitable et droit…sans jeu de mot.
C’est ce que l’on appelle la pratique jurisprudentielle. Elle doit s’adapter aux évènements. Bien entendu, cela se fait légèrement en marge de la loi, mais les héliastes étant les élus des dieux chargés de rendre la justice, on peut raisonnablement estimer que ces pratiques ne sont pas contraires au droit. D’autant que l’action des héliastes est chapeautée par le doyen, soit l’héliaste le plus haut placé ayant une légitimité démocratique incontestable puisqu’il a été élu.
Je le répète, ces dérogations sont justifiées par la nécessité d’être en phase avec les faits, seul un esprit étriqué ne le comprendrait pas…je ne vise personne.
Pour la petite histoire, l’affaire Ephialtès me vaut un recours d’un héliaste qui de son propre chef a intenté cette action sans concertation préalable, tout ça parce que j’ai voulu appliquer le droit avec un brin d’intelligence, de finesse et de bon sens.

Passons maintenant au dernier point de l‘exposé : la doctrine.

Qu’est ce que la doctrine ?

Pour faire simple, nous pourrions dire que c’est l’ensemble des commentaires portant sur le droit et généralement réalisé par des autorités.

Ce colloque est donc de la doctrine. Pour l’heure, je le sais elle est minime. Pourtant, je suis persuadé que c’est un élément capital du système juridique car la doctrine influence le raisonnement du juge ainsi que els travaux du législateur. Elle sert dans la pratique à mieux comprendre le droit, à le rendre accessible à la majorité des citoyens. Même si ces travaux n’ont aucune autorité spécifique, il s’en dégage à tout le moins une influence non négligeable qui guide le droit. La doctrine est donc un intermédiaire entre la réalité quotidienne des citoyens et le droit pur en ce sens qu’elle est un observateur neutre qui synthétise les besoins et obligations de chacun en vue de rendre le droit plus performant.

Je voulais terminer sur cette note plutôt optimiste car le droit à tout à gagner de l’essor de la doctrine et soyez assurés que je veillerai à son bon développement.
Je vous remercie de votre attention, citoyens.
Avez-vous des questions ou des réactions ?

Il prend l'argent, se demande pourquoi il lui a tendu cette somme, puisi il comprend et attache la bourse à sa ceinture
Enfin, il répond àla question.

La doctrine devrait faire l'objet d'un chapitre de mon futur livre dont je tairai le titre pour l'instant. Mais pour faire simple, sourire ne coin, pour l'instant la doctrine: c'est moi.

Oui c'est moi mais j'espère être rejoint par des hommes instruits qui s'investiront dans le droit athénien comme je le fais. Bref, je veux être l'initiateur du mouvement doctrinal qui servira d'analye que l'on pourrait qualifier de scientifique de notre droit afin que ce dernier soit le fleuron de toute l'Attique, que l'on en parle encore dans des siècles. L'ambition est élevée mais l'ambition lorsqu'elle sert la perfection, elle nepeut être que positive.
A terme, je dirigerai sans doute une revue trimestrielle, mensuelle si elle a du succès, dans laquelle nous analyserons et critiquerons les lois, nous mènerons des enquêtes socio-économiques afin de déterminer quelles textes sont un plus et quels textes sont à revoir ou à écarter.
De même, les conférences devraient se multiplier et une permanence se tiendra à mon domicile afin de donner des conseils juridiques à titre gratuit aux plus démunis.
Tout ceci n'est que mon programme mais je crois dur comme fer à l'émulation, ce programme n'est que la naissance d'une élite qui instruira les profanes pour le bien commun.

Ictinos était assis près de Tholios. Il se tourne vers son voisin et dit :

Ouais !

Cette dissertation me rappelle ce proverbe Athénien :
On peut compter le nombre de pommes dans un arbre, mais l'on ne peut jamais compter le nombre d'arbres dans une pomme.

Gloire à Hermès patron de mauvais garçon, des voyageurs, des orateurs et des écrivains.

Ictinos éclate de rire..